A la suite du JETP au Sénégal, une étape franchie avec l’école de Finance équitable et Lumière Synergie pour le Développement (LSD)
Le Sénégal est confronté à d’importants défis climatiques, avec la hausse des températures, la diminution des précipitations et l’aggravation de la dégradation côtière qui ont un impact sur l’agriculture et les communautés côtières, où se trouvent 74 % de la population et 90 % de l’industrie. Bien que le récent partenariat entre le Sénégal et le Partenariat pour la transition énergétique juste (JETP), soutenu à hauteur de 2,5 milliards d’euros, vise à atteindre 40 % d’énergie renouvelable dans la production d’électricité d’ici 2030, le cadre manque de clarté sur ce qu’implique une “transition juste” pour les communautés, d’autant plus que l’industrie des combustibles fossiles du Sénégal est limitée. Plus d’un an après la signature du JETP, il y a eu peu de discours public, de transparence ou d’engagement communautaire avec les zones locales comme Guet Ndar qui sont particulièrement vulnérables, car leurs principaux moyens de subsistance basés sur la pêche sont menacés par l’érosion côtière et la diminution des stocks de poissons.
Le JETP ne peut pas être mis en œuvre par lui-même, car chaque pays doit déterminer ce que signifie une transition juste dans son propre contexte particulier. Dans ces circonstances, les OSC ont un rôle essentiel à jouer dans l’élaboration de cette transformation. C’est pourquoi Lumière Synergie pour le Développement (LSD), une organisation sénégalaise dont l’objectif principal est de renforcer le dialogue et de mieux informer le public sur les enjeux de la transition énergétique au Sénégal, avec l’appui de 350 Africa, a organisé un atelier du 18 au 20 septembre 2024, pour attirer l’attention des femmes de Guet Ndar aux enjeux liés au JETP. L’objectif n’était pas d’imposer des concepts étrangers souvent appelés “sensibilisations”, mais plutôt de permettre aux femmes de définir le modèle de développement auquel elles aspirent et ce qu’une transition énergétique juste signifierait pour elles.
Une quinzaine de femmes, principalement issues du milieu de la pêche, se sont réunies pour discuter d’une transition énergétique juste et des impacts climatiques sur les communautés de la Langue de Barbarie, en mettant l’accent sur la vulnérabilité des femmes. Elles ont souligné que les pays industrialisés et les entreprises étrangères étaient les principaux contributeurs à la crise et ont accentué la nécessité d’accorder des réparations aux communautés touchées. L’atelier a souligné le rôle de l’énergie dans la vie quotidienne des femmes et ceci a été appuyé par les participantes de Guet Ndar qui ont exprimé leurs préoccupations concernant l’accès limité à l’énergie et les coûts élevés de l’électricité qui entravent leur indépendance économique. Elles ont également noté l’absence de garanties juridiques selon lesquelles la production de pétrole et de gaz servirait le marché local, puisque les efforts du gouvernement se concentrent principalement sur le partage des revenus plutôt que sur la garantie de la sécurité énergétique.
Le manque de transparence et d’accès à l’information a été vivement condamné par cette communauté de femmes qui a constaté que la plupart d’entre elles n’étaient pas au courant du JETP ou de ses implications. En effet, le processus s’est déroulé pendant plus d’un an, aboutissant à un plan d’investissement, sans aucune consultation publique au niveau national. Pour ces femmes, un JETP véritablement équitable exige que les pays industrialisés cessent non seulement de polluer, mais qu’ils prennent également leurs responsabilités en indemnisant les communautés les plus touchées par le changement climatique avant de “soutenir” les pays du Sud dans leur transition énergétique. En ce qui concerne les énergies renouvelables, les participantes estiment qu’il s’agit du seul moyen de fournir aux communautés un accès durable et indépendant à l’énergie.
Ecole de Finance équitable: un juste équilibre
Bien que le modèle JETP ait été révolutionnaire, il a été extrêmement difficile de surmonter des décennies de mentalités et d’infrastructures fossiles enracinées de telle manière que le JETP s’est affaibli, apparemment coincé dans les détails des sources de financement de l’IPG, des allocations aux utilisations finales et des priorités d’investissement. Le JETP suscite également des inquiétudes car il repose principalement sur des prêts, et risque donc d’aggraver la dette du Sénégal et de privilégier les décideurs aux besoins locaux en raison d’un manque de transparence et d’inclusion des communautés vulnérables, compromettant ainsi une finance climatique réellement équitable.
La 1ère école de finance équitable a été instituée en juillet 2023 en Afrique du Sud dans le but de combler le fossé entre les institutions financières et les particuliers et veiller à ce que les transactions financières profitent à l’ensemble de la société et ne perpétuent pas les inégalités ou ne créent pas un cycle d’endettement. Après des sessions réussies en Afrique du Sud et au Ghana, la première école de finance équitable au Sénégal a été accueillie par l’organisation Lumière Synergie pour le Développement à partir du 30 et 31 octobre à Ndangane. L’événement visait à donner aux acteurs de la société civile, aux militants et aux dirigeants communautaires des connaissances essentielles sur le financement climatique et les investissements publics qui vont leur permettre de s’engager activement dans des campagnes de financement public et de plaider en faveur de pratiques financières équitables et responsables. Cette initiative de renforcement des capacités vise à équiper les participants pour qu’ils s’attaquent aux problèmes financiers ayant un impact sur leurs communautés et à défendre la justice sociale et environnementale.
L’école de financement équitable fait non seulement avancer le financement climatique, mais renforce également la justice climatique, une demande défendue depuis longtemps par les économies émergentes et les militants écologistes. Cet effort met en évidence la responsabilité des pays les plus riches et les plus émetteurs, de financer l’adaptation et l’atténuation dans les pays en développement, en particulier l’Afrique, qui, malgré ses émissions minimes, souffre lourdement des impacts climatiques – 17 des 20 pays les plus vulnérables au climat sont africains.
écrit par Muco.Aurora